Luanda : L’Afrique redéfinit son partenariat avec les États-Unis

Le 17ème Sommet des Affaires États-Unis – Afrique, qui s’est ouvert ce lundi à Luanda, marque un tournant décisif dans la perception et les attentes du continent africain vis-à-vis de ses partenaires internationaux. Au cœur des discussions, le discours inaugural du Président angolais João Manuel Gonçalves Lourenço a résonné comme un appel vibrant à une refonte des relations, exigeant de remplacer la logique d’aide par celle de l’ambition et de l’investissement privé.

Devant plus de 1 500 délégués, incluant des Chefs d’État, des ministres et des leaders d’entreprises des deux continents, le Président Lourenço a affirmé avec force que l’Afrique n’est plus un simple réservoir de potentialités, mais bien un continent « de décisions transformatrices et de projets concrets. » Cette nouvelle dynamique, a-t-il insisté, pousse à une prise de conscience collective : il est temps de considérer l’Afrique comme un partenaire crédible, riche en ressources mais en quête de capital financier et de savoir-faire pour créer des synergies mutuellement bénéfiques.

Un partenariat égalitaire pour résoudre les crises mondiales

Le Président angolais a spécifiquement interpellé les États-Unis, les invitant à adopter une « vision différente et simple » du continent, forte de leur histoire non-coloniale. Il a souligné que le développement de l’Afrique, soutenu par la contribution américaine, serait in fine bénéfique pour l’Amérique et pour le monde entier. « En unissant nos forces, nous détenons ensemble la clé pour résoudre les deux principales crises qui affectent l’économie mondiale : la crise alimentaire et la crise énergétique », a-t-il déclaré, plaçant l’Afrique au centre des solutions globales.

L’accent a été mis sur l’exploitation responsable des minéraux stratégiques, essentiels à la transition énergétique mondiale. L’Afrique n’attend pas de simples capitaux, mais des « partenariats respectueux de la souveraineté », qui valorisent le contenu local, favorisent le transfert de connaissances et contribuent activement à la création d’emplois qualifiés. L’objectif est clair : électrifier et industrialiser le continent pour transformer les matières premières, augmenter l’offre d’emplois, et ainsi freiner l’exode des jeunes, « notre plus grande richesse, » qui entreprennent souvent des traversées dangereuses en quête de meilleures conditions de vie.

Le Président Lourenço a également rassuré sur les progrès en cours. Des « investissements structurels se multiplient et façonnent un nouveau paysage économique africain, » citant le corridor de Lobito et l’expansion des zones économiques spéciales. Ces initiatives visent à développer des chaînes de valeur régionales dans des secteurs clés tels que les minéraux critiques, l’agriculture et l’énergie, promettant de transformer le commerce intra-africain et intercontinental.

L’Afrique : Un pôle de stabilité et d’innovation mondiale

Face à l’instabilité géopolitique persistante en Europe de l’Est et au Moyen-Orient, le Président Lourenço a présenté l’Afrique comme un partenaire de stabilité et de vision à long terme. Avec plus de 70 % de sa population âgée de moins de 30 ans, l’Afrique est un moteur d’innovation, dont l’empreinte est déjà perceptible à l’échelle mondiale. Cette jeunesse dynamique, couplée à une relative stabilité, renforce l’urgence d’approfondir les liens de confiance, de coopération économique et de sécurité stratégique avec les États-Unis, dont le rôle global est jugé essentiel.

L’appel africain est manifeste : voir l’investissement privé direct américain dépasser l’extraction des ressources minières conventionnelles et du secteur pétrolier et gazier pour s’étendre à d’autres secteurs manufacturiers cruciaux tels que la sidérurgie, l’aluminium, le ciment, l’agriculture, la construction navale, l’automobile et le tourisme. Le Président angolais a garanti que les entreprises américaines trouveraient en Afrique « un environnement commercial de plus en plus ouvert, qui protège les investisseurs privés étrangers, » avec des gouvernements s’engageant à faciliter et à alléger la bureaucratie.

La nouvelle stratégie américaine : « Trade, Not Aid »

Ce sommet coïncide avec un changement de paradigme significatif dans la politique américaine envers l’Afrique. Troy Fitrell, Secrétaire Adjoint par intérim aux Affaires africaines du Département d’État, a récemment détaillé un plan ambitieux en six points pour dynamiser les échanges commerciaux. Ce plan incarne la doctrine « trade, not aid » (le commerce plutôt que l’aide), mise en avant par l’administration de Donald Trump.

Selon M. Fitrell, la clé réside dans la mise en pratique d’une stratégie axée sur l’investissement, considérant le commerce comme un « échange entre partenaires égaux », loin du paradigme d’assistance passé qui impliquait un « donateur et un bénéficiaire ». Pour Washington, le véritable investissement à long terme se trouve là où résident la classe moyenne, la croissance économique et les retombées durables. Cette approche vise à « mettre en avant ce qui fonctionne réellement dans un partenariat avec l’Afrique ».

Cette réorientation stratégique américaine n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans un contexte où l’administration Trump s’implique activement dans la résolution des crises sécuritaires, notamment dans l’Est de la République démocratique du Congo. Des sources diplomatiques indiquent que les États-Unis viennent de faciliter un nouvel accord de paix entre la RDC et le Rwanda. Après une étape technique, les Ministres des Affaires Étrangères des deux pays devraient signer cet accord officiellement à Washington D.C. le 27 juin, avant un sommet des Chefs d’État concernés sous l’égide du Président Trump. Parallèlement, un accord minier entre la RDC et l’administration Trump est en cours de négociation, visant à attirer davantage d’investissements américains dans le secteur.

Le Sommet de Luanda s’impose ainsi comme une plateforme cruciale où les visions africaines d’un partenariat souverain et les nouvelles approches américaines en matière d’investissement convergent, promettant une ère de collaboration plus équilibrée et mutuellement bénéfique.

F. Mulumba


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