Le Mouvement du 23 mars (M23), soutenu par le Rwanda, est accusé de tueries, tortures et disparitions forcées de détenus civils, ainsi que de les retenir en otage dans des conditions inhumaines au sein de ses lieux de détention à Goma et Bukavu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Ces actes, révélés par une nouvelle enquête d’Amnesty International publiée le 27 mai 2025, violent le droit international humanitaire et sont susceptibles de constituer des crimes de guerre.
L’organisation a interrogé 18 anciens détenus civils (tous des hommes) entre février et avril 2025, qui ont été illégalement détenus dans des centres du M23 à Goma et Bukavu. Neuf d’entre eux ont témoigné avoir été torturés par des combattants du M23.
Tigere Chagutah, directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe, a déclaré : « Les déclarations publiques du M23 concernant le rétablissement de l’ordre dans l’est de la RDC masquent la façon ignoble dont il traite les détenus. Il punit avec brutalité ceux qu’il considère comme des opposants et intimide les autres, de sorte que personne n’ose le contester. » Il a également appelé les acteurs régionaux et internationaux à faire pression sur le Rwanda pour qu’il cesse son soutien au M23.
Amnesty International exhorte le M23 à libérer immédiatement les civils détenus arbitrairement, à révéler le sort des personnes victimes de disparitions forcées, à traiter les détenus avec humanité en leur permettant l’accès à des avocats et la communication avec leur famille, et à autoriser sans délai des organismes de surveillance indépendants à visiter tous ses sites de détention.
Huit anciens détenus ont rapporté avoir vu des codétenus mourir en détention, probablement des suites de la torture et des conditions de détention extrêmement difficiles. Selon leurs témoignages, des centaines de personnes sont enfermées dans des cellules surpeuplées et insalubres, manquant cruellement de nourriture, d’eau, d’installations sanitaires et de soins de santé. La plupart sont détenues au secret, sans possibilité de communiquer avec leurs familles ou avocats.
Les sites de détention du M23 identifiés par Amnesty International à Goma incluent le bureau provincial de l’Agence nationale de renseignements (ANR) connu sous le nom de Chien Méchant, un complexe près de la RTNC sur le mont Goma, le bâtiment de l’assemblée provinciale, le complexe de la 34e région militaire et un camp improvisé à Kanyarucinya. À Bukavu, les lieux de détention se situent dans le bureau principal de l’ANR et un camp militaire à Bagira.
Des témoignages glaçants d’anciens détenus décrivent des scènes de violence extrême. Un ancien détenu à Goma a rapporté avoir vu un homme être fusillé après avoir été interrogé sur des armes. Deux autres ont raconté avoir vu des combattants du M23 tuer deux détenus à coups de marteau et tirer sur un autre, mort sur le coup.
Les anciens détenus ont déclaré avoir été accusés de soutenir l’armée ou le gouvernement congolais, de collaborer avec la société civile, de cacher des armes ou de dénoncer les exactions du M23. Le M23 n’aurait jamais fourni de preuves pour ces accusations, et au moins 12 détenus n’auraient pas été informés des motifs de leur détention. Le groupe armé détiendrait également des personnes pour les forcer à travailler pour lui ou à les recruter de force.
De nombreux détenus ont rapporté être détenus au secret. Des proches ont décrit des tentatives infructueuses de visite, les combattants du M23 reconnaissant avoir infligé des blessures graves.
L’enquête révèle également que des Congolais se rendant au Rwanda sont victimes d’arrestations arbitraires. Des garde-frontières rwandais auraient arrêté au moins trois Congolais en février 2025, remettant deux d’entre eux au M23 à Goma. Un employé d’ONG, Victoire Hategekimana Hakizimana, arrêté au poste-frontière de Ruzizi le 12 février, est porté disparu depuis.
Amnesty International a adressé des courriers aux ministères de la Justice et procureurs généraux du Rwanda (7 mai 2025) et aux représentants du M23 (9 mai 2025) pour partager ses conclusions et demander des informations, mais n’a reçu aucune réponse au moment de la publication.
Les 18 anciens détenus ont tous déclaré avoir été torturés ou avoir vu des combattants du M23 torturer d’autres détenus. Les méthodes de torture incluent des coups violents avec divers objets (tiges de bois, planches, câbles électriques, courroies de moteur, crosses de fusil, bâtons) sur le dos, les jambes, les fesses et les parties génitales, laissant des marques de traumatisme. Amnesty International s’est également entretenue avec les familles de quatre détenus, dont trois sont décédés après leur libération suite aux tortures et un est mort en détention.
Toujours dans son rapport, Amnesty International a rendu publiques de nouvelles preuves accablantes sur les exactions du Mouvement du 23 mars (M23), documentant des cas de disparitions forcées, des demandes de rançons et l’utilisation du Stade de l’Unité à Goma comme lieu de torture. Ces révélations viennent renforcer les accusations de crimes de guerre portées contre le groupe armé, déjà pointé du doigt pour des tueries, tortures et détentions illégales de civils.
L’organisation a authentifié une vidéo, diffusée pour la première fois le 18 mars 2025 sur les réseaux sociaux, montrant des hommes en uniforme frappant violemment un individu avec des bâtons au Stade de l’Unité à Goma. À cette période, le M23 contrôlait la ville et était le seul à avoir accès à l’enceinte. Amnesty International a également recueilli des informations attestant que le M23 s’est servi du stade pour torturer des patients et des soignants enlevés dans des hôpitaux fin février et début mars 2025.
L’enquête d’Amnesty International met en lumière plusieurs cas de disparitions forcées. Des familles ont cherché leurs proches dans les sites de détention du M23 à Goma et Bukavu, mais se sont souvent vu refuser l’accès ou ont été induites en erreur par les combattants qui niaient la présence des détenus, ce qui constitue une disparition forcée. Un ancien détenu a raconté comment sa famille avait été trompée à deux reprises sur sa présence, alors qu’il était détenu au secret pendant cinq jours.
Le rapport révèle également que le M23 exige fréquemment de grosses rançons pour la libération des détenus. Huit anciens détenus ont confirmé que leurs familles ont payé des sommes allant de quelques centaines à plus de 2 000 euros. De nombreuses familles ont tenté de négocier ces montants directement avec les combattants du M23 dans les lieux de détention.
Les conditions de détention dans les centres du M23 sont décrites comme effroyables. Cinq prisonniers détenus au centre du mont Goma en février 2025 ont parlé de cellules collectives surpeuplées, forçant les détenus à dormir assis ou debout. Les cellules étaient sombres, chaudes, mal ventilées, et la nourriture, souvent une petite portion de maïs bouilli, n’était distribuée qu’une fois par jour. L’absence d’eau courante contraignait les détenus à passer des semaines sans se laver.
Un détenu a témoigné : « Il faisait incroyablement chaud… Les gens buvaient l’urine des autres. Les jours de pluie, on pouvait boire de l’eau de pluie. » Il a décrit des conditions sanitaires déplorables avec seulement trois toilettes pour des centaines de détenus, contraints de les déboucher à la main. La nuit, ceux souffrant de diarrhée devaient déféquer dans des sachets ou des boîtes.
Des transferts de détenus vers d’autres sites, comme l’assemblée provinciale, en raison de la surpopulation, n’ont pas amélioré les conditions. Un détenu a raconté qu’ils étaient entassés dans des cellules minuscules, et que toute plainte liée à la maladie entraînait des tortures. Dans un autre site souterrain au mont Goma, un ancien détenu a décrit un « trou » de plus de 2 mètres de profondeur, où « certains sont morts à cause de la chaleur », y compris un proche, décédé après une semaine, des suites de la torture combinée au manque de nourriture et d’eau.
Tigere Chagutah a souligné la cruauté continue du M23 et l’inaction perçue des acteurs internationaux : « Les Congolais·e·s ne connaissent que trop bien la cruauté du M23. Ils continuent de vivre dans la misère car les acteurs internationaux se montrent complaisants, attendant patiemment un accord de paix alors que la population continue de subir la brutalité du M23. Le M23 doit libérer immédiatement tous les civil·e·s et mettre un terme à ces pratiques illégales et cruelles. »
Le droit international humanitaire interdit la détention arbitraire de civils, les meurtres, les traitements cruels, la torture, les atteintes à la dignité et les disparitions forcées, considérant ces actes comme des crimes de guerre. La prise d’otages à des fins de rançon est également assimilée à un crime de guerre.
Rapport de Amnesty International





















































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